Le show de Saï-Saï aux obsèques de Lutumba Simaro, en présence du président Fatshi. Une consécration du talent du comédien. Sans doute l’un des meilleurs de sa génération. Bravo à l’artiste. Partis pour rendre hommage à Masiya, c’est à un spectacle interpellateur que les gens ont assisté. Saï-Saï lui aussi rendait hommage à l’illustre disparu. Selon son art propre: la comédie. Mais derrière l’humour, il y avait un message qui a décrit notre société congolaise marquée fortement par la politique telle que pratiquée par les dirigeants actuels et les réactions provoquées chez le peuple. Deux points de réflexion:
D’abord, le ras-le-bol du Congolais. Face au règne de Kabila qui paraissait infini. Le Congolais se réfugie dans le football pour trouver un équilibre mental, fuir la réalité implacable de sa condition sociale entamée par la mauvaise gouvernance et rechercher une autre sensation de plaisir pendant 90 minutes d’un match de foot qu’il fera durer aussi longtemps qu’il peut. Car un match de foot dans ce contexte de marasme socio-économique et politique ne finit pas. Quel que soit le résultat, il le prolongera en discussion, dans son milieu de vie ou de travail. C’est quand il essuie une autre déception, celle advenue dans le foot, il est vite rattrapé par la réalité politique qu’il tentait d’éviter. Et là, la figure de la cause de son malheur réapparaît. C’est alors qu’il se souvient du combat qu’il avait voulu déserté: « Kabila doit partir ». On peut alors comprendre la forte pression exercée par les férus du ballon rond sur Ibenge, sélectionneur national de l’équipe de la RDC et dont la montée fulgurante peut être saisie aisément dans ce cadre délétère. Ibenge est apparu comme le sauveur, le messie porteur de message de victoire et de joie éternelle. L’intransigeance et l’intolérance sont vite apparues quand le messie souffre la passion, l’échec. C’est impensable. Échouer pour Ibenge, c’est décevoir les attentes, briser les cœurs et les esprits déjà fragilisés par la politique avilissante. Le messie qui ne réussit pas est poussé à l’escarpement. Comme le politicien qui empêche le développement du pays.
Ensuite, et voici Fatshi. Pour comprendre les attentes pressantes du peuple sur le nouveau président de la république, il faut repenser aux années de lutte pour la démocratie vue comme porteuse de liberté enrichissante, depuis 1990. Mais on peut aussi aller plus loin que ce temps, dans les années de colonisation, sous l’occupation belge, quand à l’approche de l’année historique 1960, le vent nouveau commençait à souffler sur le Congo. Vent de liberté, d’auto-détermination et de bonheur sans brimades que les politiciens ont transformé en vent produit par les hélices d’un ventilateur braqué sur eux-mêmes et qui laissent les autres dans la chaleur suffocante. Que demande le peuple à Fatshi?
De poursuivre le rêve d’un Congo debout avec les Congolais debout unis par le sort. Ni tribalisme ni exclusion. Ni trafic d’influence ni injustice. Les tares constatées chez Mobutu (l’évocation de Mungala), poursuivies par les Kabila (le phénomène muswahili) et vues en perspective chez Félix Tshisekedi (la diaspora parlant une nouvelle langue faite d’Anglais et de Tshiluba). Combattre les anti-valeurs et promouvoir l’excellence pour recréer le Congo sur des bases solides. Ainsi Saï-Saï n’attendra plus seulement les obsèques d’un illustre mais il livrera ses spectacles à temps et à contre-temps. Ce qui sera le signe d’un Congo où il fait bon vivre.
Fleury Dala, membre du MIIC (mouvement international des intellectuels catholiques)
Sakola.info